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Les Arts Martiaux et la Maîtrise de Soi à travers Soi du KHIDO

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Interview entre le magazine « Art et Combat » et le Fondateur du KHIDO

 

Maître Michel MORLON nous fera part de son parcours dans les Arts Martiaux, sa philosophie des Arts Martiaux à travers son travail sur l’Energie, la Connaissance et la Compréhension de Soi pour atteindre la Vraie Maîtrise de Soi à travers Soi et non à travers un Maître… en somme Découvrir l’Art Martial.

 

Art et Combat  : Le KHIDO vient de rentrer en 2009 à la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées. Une bonne occasion de rencontrer son Fondateur, Michel MORLON. A 62 ans, celui-ci a gardé toute son énergie et son franc parlé. Passionné par l’efficacité, il a mis au point, une méthode basée sur les mouvements naturels du corps humain. Le but : arriver à la Maîtrise de son corps et donc à la Maîtrise de Soi.

Art et Combat : Comment avez-vous débuté la pratique des Arts Martiaux ?

Maître Michel MORLON (M.M.) : Je suis né au Vietnam, à Saigon, en 1947. J’ai démarré les Arts Martiaux au Vietnam avec le Kung-Fu, le Judo et le Karaté. Puis, je suis venu en France en 1963 et j’ai continué le Karaté. Vers 1969, j’ai pratiqué le Taekwondo avec le Maître Lee Kwan Young, qui était le pionnier de cet Art en France.

Art et Combat : Y a t il des gens en Karaté que vous considérez comme vos professeurs ?

M.M. : Personnellement non, je suis plutôt un autodidacte. J’ai connu, respecté et côtoyé pas mal de maîtres asiatiques de tout bord, mais en tant qu’élève ou disciple, non, parce que je n’étais pas d’accord avec leurs enseignements.

Art et Combat : Qu’est ce qui vous a amené à créer le KHIDO ?

M.M. : Cela a toujours été dans mon état d’esprit. Depuis toujours, depuis l’âge de trois ans, j’étais un rebelle : j’ai pris des raclées par mon père jusqu’à 16 ans parce j’ai toujours été un révolutionnaire, à savoir que je remets toujours en question ce que l’on m’enseigne. Quand il me demandait si j’avais peur de lui, je disais « oui » et quand il me demandait pourquoi je lui désobéissais, je lui disais : «  Tout ce que tu m’enseignes, ce sont des bêtises, ce n’est pas juste, par exemple, ne pas fréquenter les pauvres » : je médisais qu’il y avait des gens bien partout.

Art et Combat : Au niveau des Arts Martiaux, comment définiriez-vous le Khido ?

M.M. : C’est quelque chose de très complexe. Je dirais tout simplement être soi, à travers tout ce qu’on apprend, que cela soit dans la vie ou dans les Arts Martiaux, n’importe où ; être soi, non pas emprisonné par ce que l’on apprend, mais être libre de tout ce qu’on a appris, c’est ça le KHIDO. Faire les choses avec Art.

Art et Combat : Par exemple, vous l’avez enseigné à des golfeurs.

M.M. : Oui, parce que j’avais un élève qui était champion de golf et qui travaillait le Khido avec moi. En fait je leur ai comprendre ce qu’est le corps : être maître de sa technique et non pas être prisonnier de sa technique. Disons qu’ils arrivaient à comprendre théoriquement le mot  « décontraction », le mot « laisser aller ». Ils comprenaient théoriquement beaucoup de choses, comme dans les arts martiaux d’ailleurs, mais ils n’arrivaient pas à mettre en pratique ce qu’on leur demandait : puisque leurs maîtres, leurs professeurs, leurs enseignants eux-mêmes ne savaient pas comment faire passer le message, ou peut-être ne connaissaient ils même pas la façon de le pratiquer.

Art et Combat : Pour donner un exemple, souvent dans les Arts Martiaux, on dit : telle position, jambe arrière tendue ?

M.M. : C’est très grave, là on rentre dans le verbe, dans la langue, en l’occurrence la langue Française : 99,9 pour 100 des pratiquants de ce monde confondent le mot « tendu » avec le « raidir » ou « contracter ». Quand vous êtes debout, vous avez la jambe tendue, quand vous dites bonjour, vous avez le bras tendu, mais à aucun moment vous êtes raide ou contracté ; or le fait de raidir votre bras en donnant un coup de poing, le fait de raidir, de contracter votre jambe alors que vous êtes seulement en position, même pas en action, fait de vous un handicapé physique. Toute répétition prend un pouvoir : à force de raidir, de contracter votre jambe, vous devenez un handicapé. Dès le départ, tout est faux : comment voulez vous que l’arrivée soit bonne ? 

Art et Combat : Autre exemple, dans les Arts Martiaux, le terme de blocage ?

M.M. : Toutes les écoles du monde utilisent ce terme de blocage : or il n’y a pas de blocage. Bloquer quelqu’un, c’est l’empêcher d’avancer : bloquer veut dire mettre quelque chose devant et empêcher la personne de progresser. Or dans les Arts Martiaux, on ne bloque rien du tout : on ne fait que, si vous voulez, balayer la chose pour que la chose ne vienne pas sur soi. Donc, j’appellerais ce mouvement un balayage, mais ça ne peut pas être un blocage : en plus balayer quelque chose ne consiste pas à frapper comme une brute. Au contraire, c’est fait avec rapidité, vitesse peut être, mais en souplesse, pas avec force. Mais pourquoi tout le monde fait cela avec force ? Parce qu’on a rien compris, on répète systématiquement, machinalement la chose sans rien comprendre. Je pense que si l’on comprenait ce que l’on nous enseigne, il y aurait un peu d’épanouissement, de connaissance de soi ou de maîtrise de soi. Jusqu’à maintenant, on prône la connaissance de soi, la maîtrise de soi sans s‘en donner les moyens.

Art et Combat : Tout à l’heure, vous me disiez pour arriver à la Maîtrise de soi, il y a plusieurs étapes ?

M.M. : Oui, effectivement ; ne serait ce que pour tourner son sucre dans une tasse. Il faut déjà comprendre ce qu’est une cuillère, pouvoir saisir la cuillère, pouvoir tourner la cuillère sinon vous ne pourriez pas sucrer votre café. Donc les étapes, en ce qui concerne notre corps, c’est déjà de comprendre notre corps à travers soi et non pas à travers notre maître, parce que notre corps nous appartient en propre : notre souplesse, nos muscles, tout nous appartient, on est unique : nous ne pouvons pas adopter la même position que notre maître, avoir la même souplesse que notre maître. Tout ça est impossible : Donc la connaissance de soi d’abord, la vraie, pas celle de notre maître ni de nos anciens maîtres et la compréhension de soi. J’insiste sur la compréhension de soi, parce que la connaissance est une chose : la connaissance est à la portée de tout le monde, il suffit d’apprendre et on connaît. Mais comprendre, c’est autre chose ; je vous cite un exemple : vous pouvez connaître 1000 personnes, mais sans rien comprendre à la personne.

Il y a toujours des conflits entre parents et enfants : Pourquoi ? Parce qu’ils se connaissent. Les parents connaissent les enfants depuis qu’ils sont nés, mais est ce que réellement ils connaissent leurs enfants ? Est-ce que les enfants connaissent les parents ? Ils les connaissent, oui, mais ils ne se comprennent pas. Donc dans la vie, que ce soit martial, social ou religieux la compréhension est essentielle, c’est l’élément le plus important, primordial.

Art et Combat : Il faut d’abord comprendre son corps ?

M.M. : Comprendre son corps : si on ne comprend pas son corps, on ne peut pas épanouir son corps.

Art et Combat : Les techniques sont-elles importantes ?

M.M. : Les techniques elles mêmes n’ont aucune importance : l’homme, n’ayant pas encore compris cela, a inventé des techniques. Tel Maître ayant reçu une technique A ne se sent pas à l’aise ; comme il n’a rien compris, il va créer une technique B. Et un élève de la technique B, n’ayant encore rien compris, se sentant mal à l’aise, va trouver dans une technique C quelque chose de meilleur. Et ainsi de suite. Alors qu’importe la technique ? C’est la sensation qui est primordiale. C’est la sensation et la compréhension de ce que l’on fait qui sont importantes. Ce n’est pas l’image. L’Etre Humain ne vit que d’image ; même quand il s’habille, il se regarde dans la glace et surtout il se demande :  » Est ce que je suis beau ? » Alors qu’il devrait se demander à lui-même : Est ce que je me sens bien ? » Donc il a toujours besoin d’image : il prend une position, il demande à son Maître : « Est ce que ma position est juste ?  Est ce que ma technique est juste ? » Mais il ne se pose jamais la question :  » Est ce que je me sens bien dans cette position ? » C’est le fait de se sentir bien qui amène la Maîtrise de Soi « .

En fait la Maîtrise de Soi, c’est comme quand vous êtes assis : vous mangez, vous discutez : là est la Maîtrise de Soi, parce que vous n’avez pas besoin de faire d’efforts. La vraie Maîtrise de Soi, c’est quand vous n’avez plus d’efforts à faire, vous n’avez plus besoin de vous contenir. En fait, la Maîtrise de Soi est en Soi : quand vous marchez, vous n’avez pas besoin de Maître pour vous dire si vous marchez juste ou pas !

Quand vous faites un zen-kutsu, qu’importe les noms, ça devrait être comme quand vous marchez : il ne faut pas un Maître pour vous dire qu’il faut faire un pas d’un mètre vingt, ou que votre pied arrière soit à 45 degrés, etc.. Y a-t-il quelqu’un au monde qui vous dit que votre démarche est mauvaise parce que l’écartement de vos pieds est inférieur à l’écartement de vos hanches ? Et pourtant vous êtes très bien : Voilà La Maîtrise de Soi !

Art et Combat : Etant jeune, vous avez souvent testé votre efficacité en compétition sur des K.O. ?

M.M. : Oui, j’avais une certaine réputation, fondée ou pas : pour un poids minuscule comme le mien, je déplaçais pas mal de monde, que ce soient avec mes coups de pied ou avec mes coups de poings. Les gens étaient très étonnés et je me rappelle d’un grand Monsieur, Dominique Valéra, qui est venu me dire  » Michel quel punch tu as ! Comment cela se fait-il? « .

Art et Combat : Vous parliez d’une anecdote tout à l’heure à propos de Mae-Gerri et de oi-tsuki ?

M.M. : Oui, je me disais que je n’avais jamais vu une technique de base en compétition, oi-tsuki ou Mae-Gerri. Donc, j’ai parié avec mes élèves qu’au Championnat de France, j’utiliserai ces deux techniques. J’ai tenu mon pari : J’ai obtenu deux K.O. avec oi-tsuki au corps et Mae-Gerri. La technique n’a pas d’importance quand on a compris comment utiliser son corps de façon naturelle. Si vous êtes prisonnier d’un carcan, vous n’arriverez pas à vous épanouir pleinement. 

Art et Combat : Autre anecdote : une poussée face à un adversaire qui pèse plus de 100 kilos ?

M.M. : Oui, je le fais à chaque démonstration ou à chaque stage. Je choisis dans l’assistance la personne la plus costaud, 100 kgs ou plus. Je lui demande de prendre une position forte (en général, ils prennent tous zen-kutsu) et de me saisir la ceinture ; puis je lui demande de me pousser. La personne n’arrive pas, même si je tiens sur une jambe. Puis je la pousse à mon tour et je la sors du tapis, bien que je fasse 60 kgs ; ce n’est pas une question de force. Par contre, je n’y arriverais pas face à un débutant.

Art et Combat : Pourquoi ?

M.M. : Parce qu’il se sert de ses jambes: il pousse vraiment sur sa jambe arrière qui lui sert d’appui, contrairement à un pratiquant d’Arts Martiaux qui pose sa jambe au sol ; il ne ressent pas la sensation du pied d’appui. De plus, il me pousse en se servant uniquement de ses bras. Lorsque il me pousse, il se pousse lui-même, comme s’il était face à un mur. C’est pareil lorsque je donne un coup de poing : la Force vient de tout mon corps, le bras ne sert qu’à transmettre le mouvement.

Art et Combat : Dans le KHIDO, existe-t-il des katas ?

M.M. : Non, il n’y en a pas. Un Kata, c’est une chorégraphie : le tout, c’est de vivre ce que vous faites. Quand je demande à un élève pourquoi il exécute tel mouvement dans un Kata, il l’ignore. Le KHIDO, c’est la Vie : Soyez en harmonie avec vous même. Si je vous demande pourquoi vous faites tel ou tel mouvement ; donnez moi une réponse comme : « Parce que je le ressens ainsi ». Il faut quitter la machine.

Art et Combat : Que pensez-vous du travail de l’énergie interne ?

M.M. : C’est très bien, parce que ce sont des choses naturelles, à commencer par la respiration. Quand vous faites un effort et que vous bloquez votre respiration, ce n’est pas naturel. Ce sont des choses simples qu’il faut démystifier. Les animaux vivent très bien sans connaître le travail de l’énergie tant que l’on ne les domestique pas. Einstein disait que l’Etre Humain est l’animal le plus facile à domestiquer.

Dès que l’on est domestiqué, conditionné, on perd ses moyens. je respecte tout conditionnement : on ne peut pas vivre sans, mais il faut savoir qu’un conditionnement, ce n’est pas une valeur absolue ! L’Etre Humain se repose sur des conventions, mais il se trompe: il est sincère dans son erreur, mais il ne peut pas s’épanouir. Aucune connaissance de Soi, aucune Maîtrise de Soi.

Art et Combat : Que pensez-vous de la compétition ?

M.M. : Ce n’est qu’un jeu, c’est faire semblant de se battre. Il ne faut pas confondre compétition avec combat : une compétition suppose des règles ; dans un combat, on risque sa vie. Un champion ne devrait pas se prendre au sérieux : s’il se retrouve pris dans un vrai combat dans le rue, par exemple, tout sera différent. Etant jeune, j’étais moi-même un compétiteur et un bagarreur de rue : je peux vous dire qu’il y a un énorme fossé entre la compétition et la réalité cela n’a rien à voir.

Art et Combat : A propos de l’efficacité ?

M.M. : Si vous demandez à un Karatéka de choisir deux techniques efficaces, il prendra gyaku-tsuki (coup de poing en contre) et mawashi-gueri (coup de pied circulaire). Pourquoi ? Dans le gyaku-tsuki, on n’a pas besoin de maîtriser le déplacement. Or, on ne nous apprend pas à maîtriser le déplacement

Pourquoi mawashi-gueri ? Parce que le coup peut faire mal même si l’on n’estime pas bien la distance. Les autres techniques nécessitent une bonne estimation de la distance par rapport au point d’impact pour être efficaces : avant ou après, cela ne marche pas.

Prenons l’exemple d’un coup de pied latéral sur une casse de planches en démonstration : l’exécutant va prendre sa distance. Si la distance change parce que les partenaires reculent, le coup sera inefficace. Donc face à une cible mouvante, on perd 80% de son efficacité. En plus si la personne qui prend le coup de pied avance, celui qui donne le coup de pied va tomber.

Sur un coup de poing au corps, en avançant, on peut luxer le poignet de l’adversaire. Tout cela parce que la personne qui frappe n’est forte qu’à un moment précis, celui du point d’impact !

Art et Combat : Que pensez-vous de la Boxe ?

M.M. : C’est déjà plus naturel que les Arts Martiaux, les techniques circulaires sont des mouvements naturels. La Boxe n’est pas une compétition, c’est un combat réglementé, il y a parfois des morts sur le ring. Cependant même les boxeurs se servent trop de leurs bras, ils ne ressentent pas assez leurs poings.

Art et Combat : Quelle différence faites vous entre le Maître et l’Expert ?

M.M. : Quand vous êtes un expert, vous n’êtes pas un Maître d’Arts Martiaux : en réalité, l’Art, la Technique sont devenus vos Maîtres, vous n’arrivez plus à vous en échapper. la Maîtrise technique n’a rien à voir avec la Maîtrise de Soi : lors des derniers Jeux Olympiques, on a vu un champion de Taekwondo taper un arbitre.

Art et Combat : Comment définiriez vous la Maîtrise de Soi ?

M.M. : A travers la Maîtrise de son corps : Soi c’est le corps. On dit parfois : le corps, c’est le passé ; toute répétition prend un pouvoir sur nous. On dit bien : « Chassez le naturel, il revient au galop ». En fait, ce n’est pas naturel, c’est le conditionnement.

Donc pour arriver à la Maîtrise de Soi, il faut se déconditionner ou arriver à comprendre son conditionnement. Tant que vous ne le comprenez pas, 

La Technique sera Votre Maître…   

N’hésitez pas à nous laisser vos commentaires ou à prendre contact avec nous si vous avez des questions, des attentes merci…

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